La fourrure de chiens et chats : un marché mondial
Les peaux proviennent d'Asie et se retrouvent dans les magasins en Europe. Les animaux sont tués dans des conditions lamentables. Cela pour le plus grand profit des exportateurs et de marchands "marrons".
La fourrure de chiens et chatsNombreux sont ceux qui savent que l'on mange du chien et du chat en Asie. Mais ils ignorent que leurs peaux et fourrures arrivent en Occident. Les enquêtes en Chine et en Thaïlande, effectuées par le cinéaste allemand Manfred Karremann et Rick Swain, le directeur du département "investigations" de HSUS (Humane Society of the United States – une association américaine de presque 3 millions de membres avec laquelle One Voice collabore au sein d'une coalition internationale, la Fur Free Alliance – Alliance contre la fourrure) ont révélé un terrible scandale.
Fermes et élevages Les chiens et les chats asiatiques ne sont pas différents des nôtres : ils ne demandent qu'à aimer et être aimés. Mais certains humains ne voient pas les choses ainsi et les élèvent pour le profit comme d'autres animaux de ferme.. En Chine, pays suspecté depuis longtemps d'être le principal acteur du commerce de chiens et de chats pour la fourrure, il existe de réels élevages – propriétés de l'État ! – situés essentiellement dans le Nord, là où les hivers plus rigoureux permettent d'obtenir des pelages "plus épais et de meilleure qualité".
Mais les intermédiaires sont souvent situés à Pékin : des sociétés officielles de "sous-produits animaux"... Ce commerce est lié à la boucherie – les chiens sont mangés un peu partout en Chine, les chats seulement à Canton. Les fermes à chiens ont de 5 à 300 animaux, celles à chats ne dépassent guère les 70. Mais de nombreuses familles arrondissent leurs revenus en élevant quelques chats ou chiens qu'ils tuent en hiver – c'est la saison – et vendent au marché en plein air – il en existe dans de nombreux villages.
Suspendus à des crochets Les enquêteurs ont visité une ferme de chiens au nord de Harbin (Mandchourie). En dépit du froid vif de février, la pièce n'était pas chauffée et les chiens attendaient entourés des cadavres de leurs compagnons, suspendus à des crochets. Parfois ils subissaient plusieurs heures de route dans des sacs jusqu'à Harbin. Là, dans le sombre hangar d'une boucherie, sans eau ni nourriture, ils étaient attachés par de courtes chaînes ou pire : avec un mince fil de fer. Le boucher en tuait 10 à 12 par jour, vendant la viande d'un côté et la fourrure de l'autre.
Fils métalliques Pour certains, le supplice se prolongeait encore un peu, des restaurants – notamment coréens – commandant les chiens vivants pour avoir de la viande plus fraîche. Dans l'un d'eux, un enquêteur a vu un chien, tiré hors du sac, agiter la queue – confiant et content. Mais quand le boucher l'a immobilisé avec du fil de fer, il a paniqué et tenté de s'échapper. Écartant la patte arrière gauche, le boucher l'a poignardé à l'aine. Commençant à saigner à mort, il a hurlé et s'est débattu, mais le fil métallique cisaillait son cou. Quelques minutes plus tard, le boucher a arraché sa fourrure, sous le regard des autres chiens en train d'attendre sur le sol glacé.
Dépecés vivants Signalons que plusieurs chiens ont été observés encore vivants lors du dépeçage– une vidéo montre même un berger allemand clignant des yeux... C'est d'ailleurs la race la plus appréciée pour sa fourrure : les "gris" se vendent un peu plus cher que les "jaunes" et on fait même passer leur fourrure pour celle du renard ou du raton laveur asiatique.
Surtout pour les petits parements, il est facile de les confondre avec un coyote ou diverses autres espèces utilisées pour les garnitures de vêtements. Les jeunes et les chiots ne sont pas épargnés non plus. Il arrive aussi que les chiens errants soient " gérés " de façon très brutale, puis recyclés.
Pendaisons Seuls les chats à poil long sont vraiment considérés comme des animaux domestiques en Chine. Ceux à poil ras sont élevés et tués, surtout les gris et les roux. Dans des provinces septentrionales comme celle du Hebei, des élevages se sont développés. Mais aussi un marché de peaux – le commerce se fait dans la rue avec celles des chiens, lapins et renards, également exposées. Et surtout une autre usine spécialisée s'est ouverte là, assurant l'abattage et la transformation.
Les chats sont généralement tués par deux méthodes qui – c'est classique – évitent d'abîmer la fourrure : la pendaison ou en les suspendant par un fil de fer et en leur enfonçant un tuyau d'arrosage dans la gorge jusqu'à ce qu'ils se noient. Ensuite, on fend le chat au niveau de l'estomac, on écarte la peau et on arrache la fourrure en terminant par la tête. Des ouvriers ont précisé que certains chats sont encore vivants après avoir été dépecés. Puis les fourrures sont triées par couleur…
Connections européennes Une partie du commerce se fait en Asie, mais les fourrures, brutes ou déjà transformées en vêtements, sont vendues un peu partout en Occident. L'Europe en absorbe une large part en exportation directe, y compris par des ventes aux enchères, notamment en Allemagne. Les fourreurs qui achètent viennent par exemple de Belgique, du Royaume-Uni, d'Italie, ou d'Espagne – ou d'Allemagne même.
Une firme germanique spécialisée en peaux et fourrures de chats les fait transformer en Grèce et les revend un peu partout sous forme de gants, pompons et autres accessoires. Depuis le début de la décennie, l'Italie utilise beaucoup de fourrures de chiens pour les parements et l'isolation des chaussures et bottes, de ski notamment. Quant à la France, directement ou non, elle n'est pas épargnée. Une société achète des "planches" (plusieurs fourrures cousues ensemble) de chiens par milliers. Surtout dans les Alpes, il existe des vestes en chien, mais les acheteurs ne le réalisent pas.
Par centaines de milliers Des centaines de milliers de chiens et de chats sont massacrés chaque année pour ce sordide commerce. Une firme chinoise a déclaré aux investigateurs qu'elle disposait de 50 000 peaux de chiens et autant de chats. Une autre avait 100 000 fourrures de chats en stock. Des documents sur les exportations d'une société pékinoise révèlent qu'une seule livraison peut représenter entre 40000 et 55000 peaux de chats, voire plus. Lors d'une vente aux enchères en Allemagne, 10 000 fourrures de chiens de Corée étaient disponibles. Un envoi chinois vers l'Italie a été saisi pour absence d'autorisation : il consistait en 4,7 tonnes de peaux de chiens. Une autre firme chinoise vend environ 10000 manteaux de chiens et de chats à la Russie par an. Et sur une seule photo, on peut voir 22 cartons destinés à ce marché contenant la fourrure de plus de 3600 chiens. Chaque saison, d'octobre à février, des spécialistes estiment que la Chine tue un demi-million de chats pour la fourrure.
Prix cassés Les prix sont très bas, ce qui explique que les gens croient parfois acheter de la fausse fourrure, surtout quand il s'agit d'un col ou d'un rebord de capuche. Dans une enchère en Allemagne, une fourrure de "chien coréen" – en fait du berger allemand – a atteint 9 dollars (à peu près l'équivalent en euros). Dans une usine-abattoir, une fourrure de chat valait l'équivalent de cinquante centimes d'euro et environ deux euros à Pékin. Une compagnie chinoise proposait, pour l'exportation, des fourrures de chats orange et gris tigrés classiques à environ 2,5 euros. Une "planche" cousue de 6 à 8 chats, c'est 21 dollars. On peut aussi trouver des "planches" de qualité inférieure, faites avec les fourrures de 36 têtes de chats pour 14 euros !
Illusions et tromperies "Quand la fourrure de chat est teinte, il n'est pas facile de la distinguer des autres fourrures." De qui cette intéressante révélation ? Du président d'une société allemande, justement spécialisée dans le commerce de la fourrure de chat. En effet, tout comme pour les chiens, les consommateurs ne la distinguent pas. Tout est fait pour éviter que cela se sache. Et même quand elle n'est pas teinte de couleurs vives, la fourrure est difficile à identifier.
De toute façon, il y a souvent des mensonges sur l'étiquette. Soit il s’agit de fraudes commises par les vendeurs asiatiques. Soit les étiquettes ont été contrefaites à la demande des acheteurs occidentaux. Ces agissements ont été confirmés par un importateur allemand à un représentant de la protection animale.
Ce que vous pouvez faire • Si vous pensez voir dans un magasin un vêtement en peau de chien ou de chat, relevez discrètement la marque du vêtement, l'inscription sur l'étiquette et l'adresse du magasin où il est vendu. Puis, une fois ces informations recueillies, vous pouvez demander aux vendeurs où a été fabriqué le vêtement. Obtenir le lieu précis de fabrication est très utile, surtout si c'est en France. Il est important de ne jamais faire aucun commentaire négatif, même après avoir obtenu les informations que vous enverrez à One Voice par courrier. Les vendeurs ne doivent pas savoir pourquoi vous vous êtes renseigné.
• Ne l'oubliez pas, les peaux ne sont pas seulement destinées aux vêtements : certains petits objets ou jouets fabriqués à bas prix en Asie en ont et ce peut être aussi du chien ou du chat.
• Vous devez absolument éviter les os et bâtonnets "à mâcher" pour animaux familiers, originaires de Chine ou de Thaïlande: ils peuvent contenir des peaux d'autres animaux, surtout des chiens puisqu'on en tue environ 30 000 par mois dans le nord-est de la Thaïlande – souvent des chiots.
• Vraie-fausse fourrure
Il existe une tromperie selon laquelle les cols de parka sont prétendument en fausse fourrure alors que c'est bien de la vraie – des gens sincères se sont faits rouler !
"Peaux de loups"
En France, il y a aussi parfois des ventes de "peaux de loups" à 75 ou 100 euros, pour faire des descentes de lit ou des couvertures "exotico-sauvages", tout le monde ne pouvant s'offrir une peau d'ours ou de lion. Si c'était vraiment du loup, ce serait interdit, mais il s'agit la plupart du temps de berger allemand… et pas forcément chinois.
• Le cuir aussi
On dit parfois que le cuir, c'est de la fourrure rasée ; en voici une illustration. Dans un animal, on peut tout vendre, et donc des peaux de chiens et de chats peuvent aussi se retrouver dans les produits suivants : tambours et instruments de musique, sacs à main et petits articles de cuir (y compris de sport), gants de golf et de jardin, produits "médicinaux" et orthopédiques, peausserie de voiture. Il est également impossible de le savoir en regardant une éventuelle étiquette. Le cuir de chat, lui, vient des Philippines – un seul abattoir situé à Mindanao peut tuer cent chats dans la journée.